Où sont les femmes ?

Atelier d’écriture, texte de Brigitte.

Tout a commencé lors d’une expo sur le Liban, dans la première salle, j’ai été très choquée par une image où deux hommes se touchent leur propre sexe et en plus en sont très fières. J’ai ressenti alors une très forte colère. Elle ne date pas d’aujourd’hui

Dans les années 90 j’étais coloriste dans le 15ème arrondissement de Paris, « salon de coiffure – quartier Beaugrenelle ». Un salon tout en longueur, nous y étions 9 employés, une coiffeuse pour hommes à l’entrée, Nicole, puis la responsable, Danièle, à la caisse, un peu plus loin, les coiffeurs, Khamsone, Eliès et Frédéric, tout au fond, moi, Brigitte, coloriste avec mes deux apprentis, assignés aux bacs. La cabine d’esthétique de Maryvonne se situait juste derrière nous. Il y avait aussi une pièce fermée destinée aux UV. Chut… mon patron et sa maitresse y faisaient souvent leur bronzette ensemble en cabine ! Pour aller aux toilettes, nous devions passer par la porte coupe-feu du salon, ils étaient partagées avec les employés de trois autres commerces.

Nous avions une clientèle très chique, qui habitait les tours de ce nouveau quartier haut de gamme. Libanaises, saoudiennes, irakiennes, venaient régulièrement faire leur shopping à Paris et nous rendaient visite pour se faire coiffer. Ces jeunes femmes étaient toujours accompagnées d’un mentor, le père, le frère, le mari… Ils attendaient sur place, éventuellement ils s’installaient à l’extérieur, mais postés devant la vitrine. Elles n’étaient jamais seules, ils les surveillaient.

Un jour, j’ai refusé de faire des mèches à une jeune saoudienne. Il était tard, environ 18h30 et le travail demandé nécessitait plusieurs, heures, elle avait une chevelure, très épaisse, très noire, tombant jusqu’au milieu du dos. Elle était voilée d’une burka, il fallu tout d’abord la cacher du regard des hommes, clients ou coiffeurs, derrière une serviette, mais ses frères m’ont sommé de me cacher dans la cabine d’esthétique, pour réaliser les reflets transparents souhaités.

Ce petit local d’a peine, 3 mètres carrés, était sans aération, encombré par la table de lit et les produits de l’esthéticienne impossibles la déplacer.. Les produits de coloration sont nocifs, forts en ammoniaque. J’ai carrément refusée je ne me suis pas laissée faire. Le père de la jeune fille a d’abord négocié avec Danièle, puis en sortant une liasse de billet camouflée dans sa veste, les deux m’ont obligé à m’exécuter. Je ne voulais pas être leur pion, bien-sur la responsable m’a dit que cela ne se passerait pas comme cela, que mon patron serait mis au courant. J’ai tenu bon, et je suis partie à 19H00 comme d’habitude.

Le lendemain j’ai du m’expliquer avec la direction, donc mon patron, il était venu exprès à moto, à l’heure de l’ouverture. Il était très énervé, à l’idée d’avoir perdu une rentrée d’argent. Je lui ai fais comprendre que c’était malsain de bosser dans cette cabine d’esthétique et que j’étais en droit de refuser. Comme j’étais avec une sympathique cliente, il m’a dirigé pour discuter dans la cabine d’esthétique. Encore ! J’ai tenu bon, parlé des produits toxiques, des horaires, je ne me suis pas laissée faire. Le ton est monté. Pendant ce temps Danièle continuait à minauder, elle semblait profiter de cette friction pour me montrer combien je lui déplaisais. Quand elle s’est approchée, je lui ai dit que cela ne la regardait pas. Le patron il me nommait « la syndiquée ».

Quelle stupidité ces hommes qui se prennent pour des pachas, ils profitent de tout, et leurs femmes soumises, n’ont aucun droit, si ce n’est de procréer. Souvent des jeunes filles voilées se confiaient à Maryvonne et à moi, elles en avaient besoin, elles parlaient leurs amourettes, cela se passait toujours dans le couloir situé derrière la porte coupe-feu. Danièle ne supportait pas cette complicité.

Parfois, elles arrivaient à se faufiler du salon de coiffure vers le monoprix, pour rejoindre leurs petits copains, mais aussi à s’échapper de soirées consenties pour aller en boite de nuit entre filles. Et là elles avaient des rapports sexuelles toujours anales pour garder leur virginité. Quelle hypocrisie !


Cette photo m’a rappelé que les femmes ne valent pas grand-chose aux yeux de ces hommes, pères, frères, prétendus princes, et pourtant ils viennent du sexe des femmes qui sont leurs mères.